1816-2016 - Bicentenaire

La première ligne de chemin de fer d’Europe continentale

Une première concession

Une ordonnance du 26 février 1823 concède perpétuellement la première ligne de chemin de fer d’Europe continentale à la compagnie fondée par Louis Antoine Beaunier à la suite de sa demande déposée le 5 mai 1821.

Le 30 juin 1824, une ordonnance approuve le tracé d’une vingtaine de kilomètres entre Saint-Étienne et Andrézieux. Ce tracé épouse au maximum la topographie du terrain afin de limiter les frais.

Le 21 juillet, une ordonnance royale approuve définitivement la création de la Compagnie de Saint-Étienne à la Loire dont Louis Antoine Beaunier prend la direction. La société, au capital d’un million de francs, doit à elle seule assurer le financement de la création de la ligne. Parmi les actionnaires, Beaunier, à hauteur de 50 000 F, on compte ses associés dont Jacques Millerret, actionnaire majoritaire, mais aussi ses deux autres concurrents non retenus pour la concession : la société Frerejean et celle fondée par de Gallois, pour 170 000 F chacune. Au final, le projet coute deux millions de francs.

Bien que Beaunier ait toujours su se faire respecter et être apprécié, l’idée de ce projet satanique est rejetée par beaucoup de propriétaires et de riverains.

Néanmoins, le projet est rondement mené sous sa direction : 1825, début du terrassement, 1826, pose du premier rail et le 30 janvier 1827, le premier « train » circule en France. Plusieurs dates sont retenues pour le démarrage de la ligne. Pierre-Louis Gras, qui enseigna à l’École des Mines, et la ville d’Andrézieux, considèrent qu’il s’agit du 18 juin 1827, tandis que d’autres sources mentionnent le 30 juin pour la mise en service de ligne. L’inauguration officielle a lieu le 1er octobre 1828.

Monument dédié au premier chemin de fer, inauguré le 26 février 1923 par Louis Soulié, sénateur maire de Saint-Etienne, rue © H. Jacquemin

Monument dédié au premier chemin de fer, inauguré le 26 février 1923 par Louis Soulié, sénateur maire de Saint-Etienne, rue © H. Jacquemin

En 1830, lorsque Louis-Antoine Beaunier rejoint la capitale, la direction du chemin de fer de Saint-Étienne à la Loire est confiée à son frère Firmin. Le 1er mars 1832, la ligne est ouverte aux voyageurs, grâce à des voitures à double système de roues (pour la route et pour le rail), mais elle reste surtout une desserte marchande. En 1832, la ligne transporte 60 000 tonnes de marchandises dont 90 % de houille. Dix années plus tard, ce sont plus de 200 000 t.

Tracé du chemin de fer Andrézieux – Saint-Etienne, In Bulletin du Centre d’Histoire régionale de l’Université de Saint-Étienne No 1 (1978)

Tracé du chemin de fer Andrézieux – Saint-Etienne, In Bulletin du Centre d’Histoire régionale de l’Université de Saint-Étienne No 1 (1978)

La ligne peut apparaitre rudimentaire, comme souvent les premières réalisations. Il n’y a qu’une voie avec de petites voies de garage pour les croisements. Le tractage est assuré par des équipages de 40 chevaux. La traction hippomobile est remplacée sur cette ligne par les locomotives à vapeur seulement à partir de 1844.

Le projet initial était de relier la Loire et le Rhône, mais la liaison jusqu’à Givors est l’objet d’une autre concession obtenue par Marc Seguin. En outre il y avait un concurrent : le projet de canal entre la Loire et le Rhône. Par analogie, on parle souvent de « canal sec » pour le chemin de fer et de « port sec » pour qualifier une gare. Une troisième compagnie obtient le prolongement de la ligne du côté opposé, la descente de la Loire d’Andrézieux à Roanne.

Monument aux premier (Louis Antoine Beaunier) et second Chemin de fer (Marc Seguin) de France et détail – Gare de Châteaucreux, Saint-Etienne © H. Jacquemin

Monument aux premier (Louis Antoine Beaunier) et second Chemin de fer (Marc Seguin) de France et détail – Gare de Châteaucreux, Saint-Etienne © H. Jacquemin

Cette ligne ferroviaire souffre de sa taille, car le coût au kilomètre est plus élevé que celui des grandes lignes. De plus, elle est rapidement concurrencée à Paris par le charbon de l’Est et surtout de la Belgique transporté par canaux jusqu’à la capitale.

Une équipe innovante autour de Beaunier

Le nom de Louis Antoine Beaunier reste dès lors associé au chemin de fer. À travers son directeur, c’est le rôle même de l’École des mineurs qui doit être mis en exergue. Beaunier sait s’entourer, et l’École est pour lui un formidable réseau. Parmi les premiers professeurs de l’École, se trouvent Xavier Moisson-Desroches et Louis de Gallois. Le premier fut l’auteur d’un mémoire adressé à Napoléon Ier, en 1814, sur la possibilité d’abréger les distances grâce à sept grandes voies ferrées depuis Paris, et ce avant même l’existence du premier mètre de ligne. Les lignes décrites par ce visionnaire furent pratiquement celles instaurées par « l’étoile Legrand » et que nous connaissons encore. De Gallois, ingénieur en chef des mines en poste dans l’arrondissement de Saint-Étienne depuis 1814, effectue un voyage en Angleterre en 1818. Parmi tous les progrès qu’il peut observer, il y a le « railway », dont il rapporte l’idée en France et produit un mémoire à l’attention du Conseil général des Mines et de l’Académie des Sciences. A sa suite, Beaunier se rend en Angleterre en 1820 pour étudier les chemins de fer. De Gallois concourt lui aussi pour se voir attribuer la première concession, mais en vain. Beaunier est plus efficace. Pour Gérard Vachez, historien de l’association des Amis du Rail du Forez, qui a travaillé sur cette première ligne continentale, Moisson-Desroche en est le précurseur, de Gallois le promoteur et Beaunier le réalisateur.

Les plans dressés par Beaunier ont par ailleurs bénéficié du travail de deux élèves de l’École : Benoit Fourneyron (promotion 1819) et Achille Thirion (promotion 1822), accompagné du professeur de Gallois.

Par la suite, des cours de chemin de fer sont intégrés dans l’enseignement tandis que d’anciens élèves travaillent dans les compagnies ferroviaires qui se développent, ainsi Edouard Bourly (promotion 1822) chef de section de la compagnie PLM à Roanne, Tissandier (P. 1824) inspecteur des chemins de fer du Nord à Calais ou Pierre Tournachon (P. 1834) ingénieur des chemins de fer d’Alais à Baucaire.

Références

GRAS Louis-Joseph (1924) – Histoire des premiers chemins de fer français. Société anonyme de l’Imprimerie Théolier.

VACHEZ Gérard (2015) – Pierre-Michel Moisson Desroches, le précurseur du chemin de fer français. Les Cahiers de l’histoire ferroviaire forézienne n° 8, Les Amis du Rail du Forez.

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