1816-2016 - Bicentenaire

Un Centenaire de 105 ans

Une date difficile à trouver

Mais pourquoi donc le centenaire de l’École nationale des Mines fut-il commémoré en 1921 ? En 1916, la France est en guerre, l’École fermée, la période n’est pas aux festivités. Puis vient le temps du deuil. La célébration est donc initialement prévue pour le mois d’octobre 1920. Le président de la République, qui était alors Paul Deschanel, démissionne le 21 septembre 1920 pour raisons de santé psychiques. Les festivités sont donc repoussées au printemps suivant. La date définitive est fixée selon la disponibilité du ministre des Travaux publics, la plus haute autorité présente.

Pourtant des invitations avaient déjà été adressées aux chefs de l’État et du gouvernement. Pour exprimer toutefois les égards de la Nation vis-à-vis de l’École, le chef de cabinet d’Aristide Briand, alors Président du Conseil, reçoit le 22 février 1921 messieurs Paul Petit et Louis Radisson, président et vice-président de la société des anciens élèves ainsi que le préfet Georges François. Ils sont également conviés le lendemain, à 16 h 10, par le président de la République Alexandre Millerand. Mais seul Yves le Trocquer, ministre des Travaux publics, se déplace finalement à Saint-Étienne.

Le Pic qui chante n°4, 1921 © Mines Saint-Étienne Alumni

Le Pic qui chante n°4, 1921 © Mines Saint-Étienne Alumni

Article de « La Loire » du 8 mai 1921 © Archives municipales de Saint-Étienne

Article de « La Loire » du 8 mai 1921 © Archives municipales de Saint-Étienne

Les festivités du samedi, discours et banquet

La première journée des festivités se déroule le samedi 7 mai 1921. Elle débute à 10 h à la salle Marivaux, rue Marengo, et rassemble de nombreuses personnes liées à l’École et à la notabilité de Saint-Étienne. Parmi les invités prestigieux, outre les élus locaux, sont présents le commandant Fontana, de la maison militaire du président de la République, dont il est le représentant expressément, Yves Le Trocquer, ministre des Travaux publics, représentant le Gouvernement Briand, M. Guillaume, directeur des Mines, Louis Tauzin, ancien directeur de l’École et président du Conseil général des Mines, Edouard Grüner, fils de l’ancien directeur, vice-président du comité central des Houillères et membre du Conseil de l’École des Mines de Saint-Étienne, Alfred Liénard ancien professeur à Saint-Étienne et sous-directeur des Mines de Paris…

M. Petit, Président du conseil de l’École et de la Société amicale des anciens élèves prononce le discours de réception et évoque le « double idéal auquel s’est vouée notre École : dans la paix, la conquête de la science, et dans la guerre, lorsqu’il l’a fallu, la défense du droit. » Puis il invoque les grandes personnalités de l’École : près de 35 anciens élèves et douze professeurs et directeurs. Il rappelle les mots de Louis Aguillon du Corps des Mines : « l’École des mineurs de Saint-Étienne devint la pépinière des directeurs de nos houillères, sortis d’une région dont les mines, les ateliers et les usines constituent un véritable laboratoire industriel » et ceux de Pierre Waldeck-Rousseau, qui lors de sa venue à Saint-Étienne qualifia l’École d’« admirable exemple de décentralisation ». Paul Petit termine en revenant sur le sacrifice des élèves au cours de la guerre.

Il laisse la parole au sous-directeur de l’École, M. Perrin-Peletier, qui produit une conférence sur l’histoire de l’École qui consiste « à dresser le tableau du passé non pour un plaisir spéculatif ou une jouissance esthétique, mais pour en tirer les exemples et les leçons qui doivent instruire notre expérience et diriger nos entreprises. » En parlant de l’École, il conclut, empreint de lyrisme : « Honneur à toi ! Que ton nom demeure gravé dans le marbre immortel de l’histoire ! Toi et tes fils avez bien mérité de la Patrie. »

Puis le ministre prend la parole, avant de remettre les décorations de la promotion spéciale centenaire. Il élève au rang d’officier de la Légion d’honneur : Albert Chipart, le directeur de l’École, Paul Petit, le préfet Georges François et douze élèves au rang de chevalier. Alexandre Pourcel, ancien élève et grand métallurgiste, est lui aussi distingué, sur la proposition de la grande chancellerie, comme chevalier de la Légion d’honneur.

Puis les invités rejoignent l’hôtel des ingénieurs à midi pour le banquet. La presse parle de plus de 500 personnes avec 300 élèves et une centaine de personnalités (109) invitées dont Théodore Laurent, directeur général des aciéries de la marine et Henry Couriot, président du Conseil d’administration des mines de la Loire.

Menu du banquet du Centenaire © Mines Saint-Étienne Alumni

Menu du banquet du Centenaire © Mines Saint-Étienne Alumni

Après avoir remercié ceux qui ont accepté de venir, M. Petit, profitant du cadre, se permet de rappeler au ministre que l’École « voudrait n’être plus, dans les actes officiels, législatifs, ministériels, règlementaires, séparée de ses sœurs, et, quelquefois même, comme Cendrillon, complètement mise à l’écart. » Il évoque aussi les cadeaux remis à chaque convive : le livre d’or de la guerre, retraçant le parcours des élèves et anciens élèves durant la guerre, un livre d’or retraçant l’histoire de l’École et une médaille commémorative gravée par Penin. La presse mentionne en plus une pièce de soie tissée par la maison Staron.

Médaille du Centenaire - Collection Alumni Mines Saint-Étienne

Médaille du Centenaire – Collection Alumni Mines Saint-Étienne

Tableau signé P. Staron et fils, tissé pour le centenaire de l’École des Mines – Collection Gérard Thomas

Tableau signé P. Staron et fils, tissé pour le centenaire de l’École des Mines – Collection Gérard Thomas

La parole fut successivement donnée au maire Louis Soulié, au préfet Georges François, à Louis Tauzin, voix marquée par l’émotion, M. Denoël, professeur à l’université de Liège, M. de Peyerimhoff, secrétaire général du Comité central des Houillères de France et au ministre Yves Le Trocquer.

Ce dernier revient sur l’importance de l’exploitation du charbon, après la guerre, dont la production française est déficitaire contrairement à celle de fonte, deux domaines d’excellence de l’École, qui réussit cette union. Il revient sur la place de l’ouvrier qui n’a pas été oublié dans la symbolique de la médaille. Le ministre a également un mot pour Tauzin, après avoir remercié ses hôtes, notamment le maire de St Etienne, qui a plaidé pour la reconstruction d’une nouvelle école.

La visite de l’École, discours et soirée de gala

Justement, à 14 h 30, il est l’heure de la visite de l’École. Il s’agit d’une étape logique, pour montrer les lieux de formation, mais il parait évident qu’elle vise également à confronter le ministre à la réalité du délabrement de l’École, dont les murs lézardés menacent de s’effondrer. La visite prend plus de temps que prévu et décale la conférence sur le rôle des élèves et anciens élèves dans la Grande Guerre donnée par de René Pavans de Ceccaty, ancien élève de la promotion 1914-21.

L’École de Chantegrillet étayé © Mines Saint-Étienne Alumni

L’École de Chantegrillet étayé © Mines Saint-Étienne Alumni

De Ceccaty déclare que « faire en détail l’histoire militaire de l’École, ce serait faire l’histoire de toute la guerre même, une œuvre qui dépasse singulièrement nos forces, et qui exigera, pour devenir le prestigieux monument qu’elle doit être, le recul du temps et les efforts d’une génération d’historiens. » Il met en lumière huit anciens élèves pour détailler leur parcours durant la guerre. Il dénonce la « négligence dédaigneuse » avec laquelle est traitée l’École dans la guerre comme dans l’ensemble de son histoire. Une nouvelle fois, le ministre prend la parole.

À 17 h, l’assemblée générale de la Société de l’industrie minérale se tient à l’hôtel des ingénieurs.

La journée se termine par un banquet offert par M. Petit au Grand Cercle et la soirée de gala, offerte par la Société amicale des anciens élèves de l’École, à la salle Marivaux à 22 h 30.

Programme musical de la soirée de gala © Mines Saint-Étienne Alumni

Programme musical de la soirée de gala © Mines Saint-Étienne Alumni

Un dimanche religieux

La matinée du dimanche 8 mai est consacrée aux cérémonies religieuses. À 9h, une messe est donnée à la Grande Église, à la mémoire des anciens élèves défunts. L’abbé de Saisererey, officier de la Légion d’honneur, ancien aumônier militaire, parle avec conviction et émotion de l’École des Mines, puisqu’il en est un ancien élève.

Chaque confession est respectée puisqu’il y a un service religieux à la synagogue, rue d’Arcole, à 11 h 30 et un au temple protestant, rue Elisée Reclus à 10 h 15.

Le président de la Fédération des Églises réformées de France prend la parole, il s’agit… d’Édouard Grüner, fils unique de Louis Grüner, ancien directeur : « Nombreux ont été ceux des vôtres qui ont appartenu ou appartiennent à nos églises protestantes. Nombreux aussi ont été les maitres éminents de cette École qui ont été élevés dans nos Églises.

Qu’il me suffise de rappeler les noms de Combes, de Parran, de Babu, de Georges Friedel. Elles ont été les vingt plus belles années de sa vie, celles que mon père a consacrées à votre École. Si tant de générations d’élèves avaient gardé de mon père un souvenir vivant, c’est qu’à côté du professeur, ils avaient trouvé en lui le conseiller, le guide sûr et parfois sévère, mais toujours l’ami, dont les conseils étaient inspirés par l’intérêt le plus vivant et le plus paternel. »

Ces festivités s’achèvent par un bal à 22 heures à l’Hôtel des Ingénieurs.

Les événements des 7 et 8 mai

Lors de la venue du ministre Le Trocquer, se produisirent des manifestations des militants communistes et des cheminots révoqués, contre le ministre mais également contre les élèves de l’École considérés comme des briseurs de grève lorsqu’ils conduisirent les locomotives de la PLM en mai 1920.

Les célébrations sont tragiquement endeuillées par le décès soudain de Louis Tauzin, ancien directeur de 1896 à 1907, au soir du gala, dans la nuit du 7 au 8 mai.

Enfin, le 8 mai est marquant par « l’attentat » : l’élève André Marie Noël Petiet (promotion 1919-21) reçoit une balle dans la tête lors de la célébration de la Fête de Jeanne d’Arc sur la place Boivin organisée par les sociétés catholiques et qui virent s’affronter royalistes et libres penseurs et socialistes. L’élève survécut.

Références

Le Centenaire de l’École Nationale des Mines de Saint-Étienne 7-8 Mai 1921 – Publié par la Société Amicale des Anciens Élèves de Saint-Étienne.

À lire : https://bibnum.emse.fr/items/show/47

L’École Nationale des Mines de Saint-Étienne à la guerre 1914-1918 (1921) – Publié par la Société Amicale des Anciens Élèves de Saint-Étienne. (Livre d’or)

À lire : https://bibnum.emse.fr/items/show/72 

Victor Guillermin et Marcel Gillot (1921) – L’École Nationale des Mines de Saint-Étienne – Publié par la Société des Anciens Élèves. (Livre d’or)

Le portait de Louis Tauzin (1855-1921) : http://www.annales.org/archives/x/tauzin.html

Fiche réalisée par Rémi Revillon (historien) et Hervé Jacquemin (EMSE)

École des MINES de Saint-Étienne

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