1816-2016 - Bicentenaire

Félix Devillaine, le bon patron des Houillères de Montrambert

Félix Devillaine est le portait du directeur de mines parfait. Il est « vénéré » par ses ouvriers, tant pour son courage, que ses capacités de négociation et l’amélioration de leur condition de vie. Excellent ingénieur, il développe une technique d’exploitation des grandes couches par remblaiement qu’il explique le 23 mai 1875 dans le Bulletin de la SIM et qu’il met en place dans les houillères de Montrambert.

Note biographique

Mathieu Marie Félix Devillaine est né à Montagny dans la Loire, le 5 avril 1823 et décédé dans la même commune le 16 décembre 1913. À 13 ans, il perd son père, qui officiait comme notaire. Sa mère le confie au petit séminaire de l’Argentière (Rhône). Il obtient un bac de philosophie en 1843. Il entre au collège de Saint-Étienne dans la classe préparatoire à l’École des Mineurs. Il sort de l’École 4e en 1846, « doué d’une intelligence qui s’est bien développé dans les cours de seconde année ».

Le 19 février 1891, un jugement du tribunal civil de Roanne lui accorde le changement de nom en « de Villaine ».

Portrait de Félix de Villaine © Archives municipales de Saint-Étienne
Portrait de Félix de Villaine © Archives municipales de Saint-Étienne

Félix Devillaine sur le terrain

Félix Devillaine commence sa carrière aux mines du Treuil, lorsqu’un grave incendie éclate à Méons provoquant la mort d’un ingénieur. Pour le remplacer, malgré son jeune âge, Devillaine fait l’unanimité grâce à la justesse de son raisonnement. Il fait ses preuves pendant deux ans dans un poste particulièrement difficile. Il est apprécié pour son professionnalisme, son courage et sa gestion des mineurs. En 1848, le directeur de la compagnie lui propose de le transférer à La Ricamarie peu prospère et minée par d’importants conflits sociaux. Le jeune ingénieur accepte de relever le défi.

Devillaine sait négocier avec les ouvriers grévistes et gagner la confiance de tous. Il améliore rapidement leurs conditions de travail et leur revenu. En 1854, le Monopole du bassin stéphanois est dissous et quatre compagnies sont formées. Les houillères Montrambert et de La Béraudière dont personne ne veut, échoient à Hutter, un ancien notaire, sans compétence technique. Ce dernier s’appuie sur Félix Devillaine qui en devient ingénieur en chef en 1856. En 1879, à la mort de Hutter, Devillaine devint directeur de la Société de Montrambert. Il occupe ce poste jusqu’à sa retraite en 1895, prise pour raison de santé, puis en devient administrateur et accepte le titre de directeur honoraire.

La première des difficultés est liée aux feux, notamment dans les couches « brûlantes ». Il procède avec méthode dans la direction des travaux, modernise les équipements, crée des réseaux de communication et en 8 ans, il double la production. Grâce aux compétences d’ingénieur de Félix Devillaine, les houillères de Montrambert deviennent les plus prospères du bassin. Il résout le problème de l’exploitation des couches épaisses des mines par le remblayage. Il publie une note sur l’exploitation des grandes couches dans le bulletin de l’industrie minérale le 23 mai 1875. Ses qualités techniques lui valent en 1878 la Légion d’honneur, suite à l’Exposition Universelle, et en 1908 une médaille d’honneur de la Société de l’Industrie minérale

Félix Devillaine, patron chrétien

En témoigne son départ en retraite. Les ouvriers lui organisent une véritable procession de la place de la mairie de la Ricamarie jusqu’à Saint-Étienne, le samedi 22 juin 1895, veille de la Saint Félix. Deux mille ouvriers défilent derrière une reproduction en fleur du puits Devillaine, des drapeaux et une fanfare. Ils rejoignent la place de l’hôtel de ville, défile devant les bureaux de la compagnie des Houillères, rue de Roanne, où Félix Devillaine les attend avec ses proches, puis rue Saint-Michel (actuelle rue Victor Duchamp depuis le 1er mars 1907) où eurent lieu les discours, dont le premier débute par ces mots : « Cher et vénéré Directeur ».

Malgré une certaine mise en scène, le sentiment et l’émotion sont sincères. Figure d’un patronat paternaliste empreint de religion, Devillaine explique dans son discours que « le devoir du patron chrétien envers ses ouvriers, n’est pas de les considérer comme de simples auxiliaires nécessaires à son industrie, mais comme une famille dont il est le père, dont il doit surveiller avec le même soin les intérêts matériels, moraux et religieux, et dont il doit se faire aimer. »

Le Vatican le nomme chevalier commandeur de Saint-Grégoire-le-grand en 1883, car il est considéré comme un exemple pour la communauté. Lui et sa femme s’intéressent à l’éducation et à la santé des personnes et s’appuient sur des membres de la congrégation. Félix Devillaine assure également la présidence de la Caisse centrale de secours et de pensions des ouvriers mineurs du bassin de la Loire.

L’estime des mineurs est aussi acquise par son courage face au danger du fond. Il est présent dès qu’une difficulté surgit, dès qu’un danger menace. Le gouverneur Perrier affirme que lors de l’incendie du puits Saint-Mathieu et alors que 13 hommes venaient de tomber asphyxiés, Félix Devillaine, arrivé sur place, se tourna vers les ouvriers et leur dit : « Mes amis, laissez-moi y aller seul et si je tombe, n’avancez pas ! »

Le puits Devillaine, très moderne, a connu son premier fonçage en 1867. Son exploitation a cessé en 1964. © Association des amis du musée de la mine Saint-Étienne
Le puits Devillaine, très moderne, a connu son premier fonçage en 1867. Son exploitation a cessé en 1964. © Association des amis du musée de la mine Saint-Étienne

Devillaine et l’École des Mines

Félix Devillaine développe les Houillères et crée, parmi une dizaine de puits, les puits Devillaine et Dyèvre. La famille Dyèvre compte dans ces rangs trois anciens élèves de l’École : les frères Isidore (1820) et Aristide (1822) et leur neveu Ludovic (1858)

Devillaine est secondé par un autre ancien élève de l’École, Eugène Pinel, de la promotion 1857. En 1895, Devillaine est remplacé par Daniel Murgue, major de la promotion 1860 de l’École.

Son fils, Élie de Villaine, sort de l’École des Mines de Saint-Étienne en 1894 et est embauché aux mines de Montrambert dès 1895. Il en deviendra administrateur.

Félix de Villaine est membre du Conseil de perfectionnement dès 1882 et président de l’Association des Anciens élèves de l’École de 1875 à 1901. Il fut un des artisans de la création d’un passage du cursus de 2 à 3 ans.

Son nom est gravé sur la façade de l’École.

Façade de l’École des Mines, 158 cours Fauriel © H. Jacquemin
Façade de l’École des Mines, 158 cours Fauriel © H. Jacquemin

Le « trésor » du puits Devillaine

Le 26 novembre 1964 à 18h, lors de la démolition du puits Devillaine, une boite en fer de forme rectangulaire enfermée dans une enveloppe de plomb a été trouvée dans l’angle nord-est. Elle a été ouverte à 18h40 en présence d’Henri Bonardot, chef d’exploitation (Ingénieur Civil des Mines Saint-Etienne, promotion 1938-42). Elle comprenait une pièce 20 F or Napoléon, 1862, 3 pièces 5F, 1F et 50c argent Napoléon, 1855 et 1866, et une pièce de 5c alliage Napoléon, 1865. Un parchemin en poussière était également présent.

Puits Devillaine et de l’Ondaine, Atlas de la Société Industrie Minérale 1872-74 © MINES Saint-Étienne
Puits Devillaine et de l’Ondaine, Atlas de la Société Industrie Minérale 1872-74 © MINES Saint-Étienne

Le 15 mai 1867, lors de la pose de « la première pierre des fondations du bâtiment de la machine à deux cylindres géminés destinée au service de l’extraction des puits jumeaux appelés Puits Devillaine, du nom de l’ingénieur principal », avait été déposé ce coffret en fonte de fer, réalisé par Bauche, fabricant de coffres-forts, refermant cinq pièces à l‘effigie de l’empereur et le procès-verbal, réduit en poussière un siècle plus tard.

À lire

Extrait du discours de M. Griot, doyen des ingénieurs des Houillères de Montrambert, adressé à Félix de Villaine, lors du banquet du 22 juin 1895.

Discours de M. Griot du 22 juin 1895.

Souvenir de la manifestation du 22 juin 1895 en l’honneur de M. Félix de Villaine, directeur de la Société des Houillères de Montrambert et de la Béraudière. (Imprimerie Théolier & Cie : Saint-Étienne, 1895).

http://www.annales.org/archives/x/devillaine.html

Fiche réalisée par Rémi Revillon, historien et Hervé Jacquemin, EMSE.

Avec le concours de Jean Vigouroux, archiviste de la Société d’Histoire de Firminy, Château des Bruneaux.

École des MINES de Saint-Étienne

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